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Synchronicité est l'éditorial de Julien-Pierre Maltais. Mélange d'actualité et de tribune d'opinion, ces articles vont faire réfléchir sur notre société et sur des événements du monde politique, économique et culturel de notre quotidien!

Aujourd’hui, on parlait (encore) dans le journal de Montréal de ces hôpitaux fautifs qui permettent encore à leur cafétéria de servir de la malbouffe à leurs employés et patients. On voyait, sur la page couverture, un homme en train de se dévorer un de ces gros hot-dog, full moutarde s’il-vous-plaît! M’est-donc venue à l’esprit cette question : on la trace où, la ligne?

La disponibilité de la malbouffe dans les hôpitaux et toutes les questions liées à l’alimentation de la population me trotte dans la tête depuis un bon moment déjà. En fait, ce sujet me fait réfléchir depuis qu’à New York, le maire Michael Bloomberg a tenté de faire interdire les boissons dites « sucrées » de plus de 16 onces que ce soit dans les restaurants, les salles de cinéma ou dans les présentoirs de ces vendeurs de hot-dog ambulants que les New-Yorkais connaissent si bien. Bloomberg, en bon père de famille, a posé ce geste pour tenter de réduire le taux d’obésité, un problème qui ne cesse de croitre. Sur papier, tout va bien. Il faut protéger les enfants, non? Être en santé, c’est important!

Le problème, ici, c’est qu’être en santé, c’est souvent un choix. Je vous l’accorde, on ne choisit que rarement son cancer, et on ne décide certainement pas, un beau jour, de s’équiper d’une leucémie à tout casser. Ceci étant dit, prendre deux steamés, une grosse frite et un Pepsi format géant, et bien mes amis, ça reste un choix! De mémoire d’homme, nous n’avons que très rarement documenté un cas où, sous la menace d’une arme à feu, un homme ai été contraint de s’empiffrer de croustilles Lays. On décide d’aller courir le matin comme on décide de s’offrir une deuxième portion de tarte, et c’est dans le mot « décision » que tient ma critique.

Être en mesure de décider pour soi-même, c’est être libre. Qu’un gouvernement essaie de réguler la grosseur du soda que l’on peut boire, et bien pour moi, c’est une claque au visage de nos libertés individuelles. On commence par un soda, puis on passe à quoi? Où est-ce que ça s’arrête? « Vous savez, des études démontrent que les murs rouges, ça rend agressif… »

Okay, okay. J’exagère peut-être un peu ici, mais pensez-y deux secondes. On va laisser un gouvernement légiférer sur ce qu’on peut ou ne peut pas manger? Vraiment? On en est rendu là?

C’est évident, nos habitudes alimentaires ont un impact énorme sur notre santé. Personne ne se bourre de burgers en se disant que ça risque d’aider son diabète. Personne n’allume sa 19e cigarette de la journée dans l’espoir de voir ses poumons se porter mieux. Il s’agit là d’évidences, et même si on ne fait pas toujours les meilleurs choix by the book, la possibilité de faire ces choix relève purement et simplement de notre liberté individuelle, une liberté qui ne devrait jamais tomber dans les mains de l’État.

Face à ce discours, j’entends souvent les gens dire « oui mais, l’obésité, ça coûte de l’argent aux contribuables! On fait quoi des coûts inhérents au traitement de ces gens qui doivent se déplacer dans de petites voiturettes à batterie dans les supermarchés? ».

À ces gens, je répondrai deux choses :

Primo, qu’ils peuvent remercier notre système de santé publique (sujet que je toucherai très probablement dans une chronique à venir).

Secundo, je leur dirai que si ma contribution annuelle aux soins de santé québécois signifie que je peux, en tant qu’individu libre, me goinfrer quand bon me semble, il sera all dressed pas d’oignon, mon hot-dog géant.


Nouvelle par Julien-Pierre Maltais

 
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Encore une fois cette année, l'hyperpopulaire marque de vêtement Abercrombie & Fitch s'impose comme un des leaders dans la douchebagery, le mauvais goût et le manque de bon sens.

Ce mois-ci, le CEO de la compagnie, Mark Jeffries, a (une fois de plus) insisté sur la ligne de pensée d'AF: seuls les jeunes populaires, minces et "hip" devraient porter nos vêtements. En entrevue, il dit:

« Nous engageons des personnes attirantes dans nos boutiques, parce qu'elles attirent d'autres personnes attirantes, et nous visons une clientèle cool et attirante. Nous ne visons personne d'autre. [...]

Beaucoup de gens n'ont rien à faire [dans nos vêtements] [...] Sommes-nous exclusifs ? Absolument. »

Ouch.

Quand une compagnie se fait ordonner par un juge de placer des mannequins issus de "minorités ethniques" (Gonzalez v. Abercrombie & Fitch Stores, 2005) dans leurs publicités, on se rend vite compte qu'on a à faire à une compagnie assez déconnectée de la réalité sociale actuelle. Non seulement le monde dans lequel nous vivons est-il fondamentalement multiethnique, mais ses commentaires viennent également lui aliéner un bassin de population important lorsque l'on considère que la population des États-Unis est à 32% non caucasienne.

En réitérant cette semaine que la compagnie ne désirait pas être associée aux adolescents "plus gras" et en limitant le choix de tailles disponibles en magasin, Jeffries s'est attiré les foudres de milliers de gens. Mon Facebook, ce regroupement de gens hautement éduqués, bassin véritable de l'élite du bon goût et de l'inclusion sociale web, s'est enflammé. Une dizaine de caractères de plus et on envoyait Jeffries au poteau...mais pourquoi?

Ayant déjà mis les pieds dans un magasin AF, je peux affirmer qu'à mes yeux, il ne s'agit là que d’une espèce de cauchemar décadent pour adolescent en chaleur désireux de s'extasier sur de la musique pop en buvant des Redbull. C'est une orgie ou ma définition du mauvais goût vestimentaire vient danser avec mes pires cauchemars auditifs. Je ne suis donc pas leur consommateur type, et les déclarations de Jeffries ne font qu'ajouter une couche de plus à la grande murale que j'ai peint aux couleurs de mon dégoût pour tout ce que représente Abercrombie&Fitch.

Ceci étant dit, les gens magasinant déjà chez AF sont-ils, eux, choqués par les déclarations de Mark Jeffries? J'en doute. Ils sont déjà vendus à la marque, et que le CEO de cette dernière aime se promener en jet privé où de superbes et minces filles lui servent des Martinis en tong leur passe probablement 10 pieds par-dessus la tête.

Quels moyens sont donc disponibles pour les gens outrés par l'énième sortie publique désobligeante du big boss d'AF? Le vote brun.

Le vote brun est bien simple: on vote avec son portefeuille. On n'encourage pas les compagnies qui véhiculent des valeurs contraires aux nôtres; pas besoin de demander que leur CEO soit mis au bucher. Le fonctionnement d'une compagnie est très simple: elle reste en business puisqu'elle reçoit de l'argent de ses consommateurs. Le jour où les consommateurs vont ailleurs, la compagnie ferme.

Les commentaires qui m'ont le plus irrité sont sans doute ceux des gens prêchant le bon exemple. "Quel exemple donnons-nous à nos jeunes filles? Comment leur faire comprendre que la beauté, ce n'est pas dicté par une grandeur de jeans?" Ce bon exemple qu'on veut tant inculquer à notre jeunesse, n'est-ce pas un jugement de valeur? Le bien et le mal, c'est déterminé par un t-shirt?

Si ce n'est pas, contrairement à ce que certains pensent, au gouvernement d'élever et de préparer les enfants à la réalité de la vie sociale, vous croyez que c'est aux CEO multimillionnaires de le faire? C'est le rôle des parents que d'apprendre à leur enfant qu'un camarade de classe bedonnant, ce n'est pas un loser, et que si la petite Alicia n'est pas blanche comme neige, elle n'a pas pour autant moins de droits et de dignité. Que Mark Jeffries pense le contraire, ça ne fait qu'en faire une excellente cible pour ceux d'entre nous qui croient qu'un tel comportement est déplorable, et il incombe à ceux qui ne sont pas de son avis de se manifester et de voter avec leur portefeuille. Si vous n'êtes pas contents, vous pouvez toujours le tweeter, le facebooker ou, comme ce sympathique jeune homme, en faire un vidéo qui pisse à la figure d'une compagnie qu'il déteste. Si John a le droit à son opinion, Jane a le droit de le détester, et ça, c'est précieux.

You go, boy.


Nouvelle par Julien-Pierre Maltais